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 Par Christian Germak Critique d’Art 

Pour Hovhannès l’art pictural est partie intégrante de ses gênes. 

L’art pictural ! ….Hovhannès vit avec ! Pense avec, crée avec ! 

Hovhannès, artiste-peintre écrit des symphonies visuelles qui comme nul autre chantent et honorent la femme, mais aussi et c’est peut-être en pensant à « elle » qu’il transcrit un paysage en un poème dont il exalte le parfum sauvage et tellement pur qu’irréel, insaisissable, hors du lieu et du temps. 

En un mot Hovhannès est esclave de la beauté, qu’elle soit harmonie physique ou d’un paysage. 

Pour lui, les traits, les formes et les couleurs, en un mot la création picturale, deviennent non pas une seconde nature, mais un complément incrusté en lui, comme le serait un réflexe conditionné dont toutefois il maîtrise l’expression et corrige les effets. 

Autant d’affirmations des valeurs des lignes et des contours, que nous prouvent des séries d’esquisses, les études de Hovhannès vont aboutir à un projet final des plus achevés.

        Mais qui est Hovhannès ? 

Quelle pulsion artistique a envahi ce personnage au point de posséder en lui l’Art, comme le serait un réflexe, un moyen d’expression courant ? 

Né le 30 septembre 1950, le jeune Hovhannès douze ans plus tard, se voyait décerner le Grand Prix du jury lors de sa participation à une exposition internationale organisée par un grand pays d’Asie aux traditions culturelles : L’Inde. Pays, non mieux civilisation, où l’Art va rejoindre de nombreuses cultures avant de venir se ressourcer en Europe. Il en résulte une tradition du goût et de l’esprit qui s’enracine dans une discipline culturelle sophistiquée. 

Cette ouverture vers le public devient pour Hovhannès un encouragement des plus bénéfiques, puisqu’en 1969 il sort avec le diplôme en Art décerné par l’Ecole Professionnelle des Beaux-Arts d’Yérévan. 

Encore un effort et en 1975 ce sera l’Institut Supérieur des Beaux-Arts d’Yérévan qui le gratifiera, puis le conduira de rebond en rebond jusqu'à la Présidence de l’Association KERPAR, dédiée à la peinture, au dessin et à la sculpture.

     Alors qu’en URSS l’Art est subordonné malgré lui à la réalité sociopolitique, Hovhannès dès la fin de ses études supérieures, crée discrètement son propre environnement artistique pour tenter d’échapper autant que possible aux canons esthétiques russes, bannissant la liberté d’imagination.

     Mais le vrai couronnement pour un artiste c’est celui que le public lui donne. 

Et là ! ... Hovhannès va voler de succès en succès. 

Ainsi, en 1980, la Finlande sera sensible à ses créations, et l’accueille dans sa capitale, Helsinki. C’est le début de sa transition artistique vers l’Ouest. Puis s’ouvre à lui la Russie, qui l’invite dans ses grands centres culturels. Ainsi retrouve-t-on des toiles de Hovhannès à Minsk,… à Moscou et à Leningrad. Plus qu’un succès, une gloire qui désormais va le suivre de par le monde. Ce qui fait que nous retrouvons ses expositions dans l’empire Japonais, suivi d’Athènes, et de Montréal. Tandis que parallèlement depuis Khartoum, les pays d’Afrique et d’Amérique du Nord deviennent ses cibles. 

Ce renom de Hovhannès porte ses fruits, et nous le retrouvons dans de nombreuses villes et capitales d’Europe pour aboutir à son incontestable couronnement : PARIS. 

Mais si l’homme est accessible et sympathique, si dorénavant de nombreuses portes lui sont ouvertes, ce n’est pas suffisant pour bâtir une carrière d’artiste international ancrée dans le temps. 

L’œuvre ! 

Pour vérifier, et comprendre l’ascension de Hovhannès, il faut répondre à deux questions essentielles: 

Quelle est l’inspiration de Hovhannès ? Quelles sont les constantes artistiques incluses dans ses créations et inscrites de façon indélébile dans son œuvre ? 

Trouver en lui sa personnalité, forte et expressive au point de déceler sa touche dans chacune de ses toiles, comme dans ses dessins, sans avoir besoin de la confirmation de sa signature. Celle-ci est incrustée au plus profond de chacune de ses toiles.

     On peut définir ces élans artistiques qui habitent Hovhannès comme une pulsion qui se traduit en une perpétuelle recherche de l’expression issue des sources de ses émotions les plus profondément ancrées en lui, mais aussi les plus secrètes, propres à déclencher un sentiment amoureux qui compose chaque moment de sa vie et par-là de ses toiles.

Car dans l’Art pictural, n’est-il pas cloné une partie de soi, pour transmettre et faire fructifier chez l’autre une parcelle de son âme saisie en un instant de sa propre vie ?

Hovhannès participe à une course vers un absolu qui conduit l’homme vers l’artiste, et l’artiste vers la création. C’est là où le peintre rencontre son sujet, celui qui est en lui, qu’il désire, qui le ronge, qui l’éblouit, et qu’il veut faire jaillir afin de nous faire entendre tous les discours de sa peinture.

Pour celui qui sait observer, il découvre que les toiles de Hovhannès, comme ses sanguines, sont un langage poétique et chimérique qui prend souvent naissance dans des formes aux contours féminins idéalisés.

Hovhannès se laisse séduire, et avec lui, nous entraîne non point vers de brefs moments extérieurs, physiques, historiques, qu’il décrit. Car même, si ses adolescentes, comme ses femmes sont jeunes et belles, mais rarement plus mûres, elles sont toutes propres à engendrer le désir.

Cependant l’artiste va aller plus loin encore dans la représentation de son analyse, puisque c’est également leurs pensées, leurs joies et parfois leurs chagrins, que Hovhannès nous dévoile, et traduit sur sa toile comme dans ses dessins.

Plus qu’avec des mots, c’est le corps lui-même, et dans son entier, qui entre dans le dialogue pour enrichir l’expression. Ce n’est pas une parodie de la parole qu’introduit Hovhannès, mais un discours musical des formes et des nuances.

Par la pose, les mouvements qui vont apparaître, souvent pudiquement, juste axés sur la première ébauche, l’artiste nous place devant le fruit d’une attitude qu’il traduit dans son langage universel et dont les origines se noient dans l’infini des temps : L’art Pictural.

Alors, sous le pinceau de l’artiste, mue par son geste, surgit la magie des formes, des poses et des couleurs. Puis se dévoilent les visages porteurs des traces d’une pensée intérieure, parfois même des plus intimes, des plus secrètes, inscrites dans l’œuvre en lettres de feu, tout en ne se laissant dévoiler que par des regards fidèles et constants.

Hovhannès capte sur sa toile un regard, une vibration des paupières, une animation de lèvres, un muscle qui se tend, jusque dans l’instant de la naissance de l’acte. L’artiste va suspendre et immobiliser, en même temps, en un reflet interprété et montré plus qu’avec des mots, l’esprit, la pensée intime et volage. Autant d’états d’âme qui reflètent la vie intérieure, inspirant l’artiste et imprimant une première empreinte chez l’amateur d’Art.

Ceci est d’autant plus probant que Hovhannès se sert du langage originel et spontané, sans frontière des langues, qui traversa les temps depuis les plus primitifs. Expression libre, ancestrale, universelle, devenue l’art du trait et des formes, qui franchit les lieux et les ans.

Un Art qui se veut et se conçoit en dehors de tout mot articulé, pour que par lui s’exprime et émerge l’âme même du sujet.

Or Hovhannès va plus loin encore que les apparences.

C’est cette âme que nous évoquions, qu’il cherche à dévoiler.

C’est le subconscient, source des sentiments, que Hovhannès ausculte sous nos yeux parfois peu crédules.

Oui ! …Incrédules !

Parce que son interprétation idéalise les formes féminines, juste marquées par le sillon naissant des sentiments et du geste saisi dans son ébauche. Tous deux devenus le soutien d’une explosion forte de mille charmes, qu’invente le poète et que l’homme chante en l’admirant.

C’est pourquoi l’artiste porté par un idéal de perfection et de beauté, va cueillir ces femmes dans la fleur de l’âge pour les parer des plus beaux atours de la création, et parfois plus simplement il en dévoile les splendeurs marquées dans leur nudité. Une nudité qui s’habille de jeunesse dans un temps où tout est encore vierge de rides et de tourments, mais où s’inscrira bientôt la force des désirs naissants.

Moment privilégié dans l’espace des ans et durant lequel la femme ainsi que l’artiste se montrent plus friands l’un de l’autre, tandis qu’émerge au grand jour la toute jeune fille fraîchement sortie de l’enfance.

Un physique créateur du subconscient

Cependant peindre en montrant un corps dans sa perfection, c’est s’attacher uniquement au physique du moment, sans faire intervenir le moule des vibrations intérieures nourries dans le creuset des ans.

Or c’est justement ce côté impalpable et mobile qui intéresse Hovhannès.

Il veut peindre comme un écrivain décrit, il veut communiquer comme un musicien interprète, il veut transmettre ses émotions…et des émotions ! Hovhannès en a beaucoup !

Nous faisant découvrir encore plus un « Hovhannès » dans lequel se révèle une pulsion admirative, devenue la base de sa traduction picturale.

Mais cela n’aurait pas suffi à Hovhannès, car ce n’est pas seulement de ses propres sentiments dont il veut faire état, mais il désire y inclure bien plus encore, des corps qu’il ne conçoit que parfaits et devenus le reflet d’une perfection qui se répètera tout en se renouvelant.

C’est pourquoi Hovhannès innove, approfondit et scrute tout en cherchant à marquer son sujet par un geste harmonieux, mouvement intérieur, dont l’expression forte traduira une pensée, une sensation, un sentiment.

Mais ce geste plus ou moins contrôlé n’est pas le seul langage de la toile. Sa forme, son attache, ses intonations, sont autant d’éléments qui appuient la parole de l’œuvre, même si elle est muette de toute vocalise face à la seule musique des mots. Mais qui se traduit aussi en une vision grande ouverte sur les harmonies picturales.

Hovhannès d’instinct se tourne plus vers une symphonie des formes, toutes mues, par un élan contrôlé par son sens esthétique. Ce que nous démontrent les retouches, les remords, les repentirs, une conception et un enfantement que l’œuvre ne dévoile qu’aux regards persévérants. Tel, ici un bras qui se déplace en laissant sur la toile une légère trace perçue seulement par un oeil averti. Là, une flamme dans un regard qui éclaire le sujet, et qui s’allume, et brille l’espace d’un instant.

Des détails devenus essentiels nous dévoilent et nous montrent combien l’artiste se laisse guider par des sentiments dont il accepte les influences, tout en traduisant les mille facettes qu’il ne manque pas d’inscrire et interpréter dans ses toiles sous l’influence de sa culture propre. Pulsion de ses sentiments d’homme et d’artiste, contenus par l’expression du premier.

En effet, avec Hovhannès, tout se focalise pour soutenir le langage que l’artiste a librement choisi et qui nous plonge dans une ambiance qui illumine un corps, un visage, tout en se moulant profondément dans la matière du temps.

Plus variés encore, plus prolifiques que les apparences dénudées, les regards et les chairs se sont transformés en scènes de théâtre sur lesquelles se jouent les joies et les peines d’une vie.

Cependant pour Hovhannès deux constantes s’imposent : Il ne veut, ni ne souhaite s’éloigner des femmes, et encore moins de leur beauté, car passionné par la vie, il l’est tout naturellement par les charmes qui l’animent et nous en ouvre une fenêtre sur le Paradis.

Mais pour mieux comprendre le sens idéaliste de l’œuvre de Hovhannès, si celui-ci a parfois pris des modèles, son imagination reste suffisamment féconde pour créer ses propres personnages, nourris d’un détail idéalisé que son subconscient a enregistré lors d’une rencontre, même aussi brève et passagère qu’un instant de sa vie.

Ces détails nous font voir combien l’artiste, du moins par le regard, papillonne et va d’une forme à l’autre pour en humer tous les parfums et en faire un corps, une composition, une beauté, un espoir choisi pour demain !

Il en résulte de vastes compositions qui s’expriment sur une surface restreinte, mais dans laquelle vont intervenir, et de façon différente et appropriée, les environnements qui vont constituer les fonds de toiles, toujours chatoyants et variés de chaque oeuvre.

Aussi vrai qu’aucun moment ne peut être identique à un autre, l’atmosphère vibrante des couleurs et des lumières qui composent les arrière-plans de Hovhannès et sur lesquels il couche ou interprète ses personnages, va voir surgir des musiques visuelles, lesquelles composeront des ambiances qui vont s’adapter à chacune de ses articulations picturales. Toutefois avec un perpétuel fil conducteur que l’artiste veut aussi précieux que l’or, et qu’il orne des diamants de la vie. Tous issus des reflets colorés des choses et des êtres, pour se muer en paradis autour d’une femme idéalisée et sortie d’un rêve fait de formes et d’esprit.

Si les contours viennent de Hovhannès, comme de son inspiration, chaque rêve se combine avec celui qu’il provoquera et partagera par la suite avec l’amateur d’Art.

Invite dont le regard comme support, s’adresse aux résonances intérieures jusqu'à éveiller des attraits originels, bases de la société humaine : La Beauté et la Grâce.

Notons cependant qu’ici se trouve une traduction de la vie, une pensée, qui s’attache aux sentiments créés par l’artiste.

Car pour et par Hovhannès, chaque coup de pinceau est une caresse sur la chair de son sujet, un chant chargé d’amour, une lumière pour l’œil et un éveil pour les sens, tandis que par une mélodie peinte, le talent du créateur ne manque pas de provoquer un instant de bonheur.

Or l’art pictural prend avec Hovhannès toute sa dimension, il explore des domaines bien plus vastes encore, et qui peuvent découler les uns des autres au point de devenir l’appui principal des sentiments ressentis par l’amateur d’art, après avoir été captés par l’artiste qui au préalable les a absorbés et inclus en lui, pour qu’avec eux ses talents de compositeur créent une mise en scène qui excitera l’envie. Par-là, dans cette partie de la présentation de Hovhannès, nous débouchons dans des toiles porteuses d’ambiance dans lesquelles les personnages sont multiples, se croisent, se groupent pour parcourir enfin une atmosphère riche d’allusions et de mouvements.

Alors le miracle s’accomplit dans sa plénitude, et les couleurs vont varier, devenir changeantes, s’illuminer, se croiser, s’évader, soutenues par des formes dont le sens principal sera celui de nourrir par l’esprit cette communauté, dans laquelle la vie se répand pour former un climat au langage riche, explicite et marqué par l’action.

Dans cette conception idéale et bien particulière des toiles de Hovhannès, le paysage lui-même sort des réalités pour trouver une forme, un paradis, une musique, une chanson, un germe venu d’un autre ailleurs, et dans lequel l’amateur est invité à entrer.

Mais quelle que soit l’inspiration, pour Hovhannès une toile se construit comme une symphonie, avec des éléments qui doivent non seulement concorder, se compléter, se coordonner, se consolider entre eux, dans le but de pouvoir se répondre certes, mais aussi afin de contribuer, pour ne pas dire être la base même, d’un sentiment d’harmonie, auquel l’amateur, qu’il parcourt en passant, ou qu’il approfondisse son regard, ne puisse qu’adhérer, fasciné qu’il est par ce rêve de perfection.

Pour cela il faut que les mouvements du corps, comme ceux des membres s’harmonisent et se complètent, afin de se parfaire pour se fondre dans les bases uniques, celle d’une plus vaste composition, aux formes suprêmes, qu’habilleront les couleurs du rêve et de la vie.

L’artiste ne copie pas. Il crée avec son âme, avec ses tripes, sa main et son savoir-faire ne sont que les instruments de ses émotions. Emotions que Hovhannès transmet à ceux qui pénètrent le temps d’un regard dans sa toile, pour ainsi voir et ressentir l’œuvre en se laissant porter par le charme et la beauté de ses propres créations, aux atours féminins.

Ce n’est plus une jolie femme que nous dévoile Hovhannès, mais il nous montre un ensemble doux et savoureux qui engendre une jolie femme, et que l’Artiste, va peindre pour nourrir chaque tableau en y incluant autant de sentiments qu’il offrira aux amateurs d’art, mais dont l’expression restera toujours différente, comme traduite ou dévoilée pour nous, par une touche du pinceau, un mouvement de l’artiste ou une simple allusion sortie du subconscient des personnages pour former une mélodie picturale qui, cueillie par Hovhannès, nous enchantera pour longtemps.

Car si le langage de Hovhannès est visuel, il n’en est pas moins en permanence explicite autant qu’expressif.

Ainsi, pour un tableau c’est un appel à la tendresse d’une étreinte amoureuse, douce et passionnée. Tandis que pour l’autre c’est l’attente du moment que l’Artiste saisit, et qui dans différentes séries s’exalteront pour la préparation de l’Instant Suprême, face aux reflets d’un miroir imaginaire dont seul le peintre en découvre la beauté. Parfois Hovhannès affectionne aussi de goûter dans un ailleurs l’offre encore innocente, et qui se dévoile pour la première fois à un regard tendre.

Mais il est évident que pour tous les amateurs d’art, les toiles de Hovhannès portent cette allusion d’un paradis retrouvé.

Un Paradis, dont chacune de ses femmes possède une clef secrète, qu’elle cache et garde jalousement enfouie dans la poche de sa jupe ou sur son sein.

Cependant, si la Femme est pour Hovhannès une Déesse qui veille sur son inspiration, et reste aussi présente et indispensable que les notes pour un musicien, il déposera son sujet dans l’écrin des couleurs, lesquelles conservent intacts ses souvenirs d’homme.

Ainsi allant au-delà de la teinte primaire, Hovhannès en recherche les reflets qui vont transparaître et enrichir une peau fine et délicate.

Pour celui qui sait regarder, qui observe plus loin que ce que son premier regard fait apparaître, pour lui, nombre de chatoiements possèdent les riches nuances d’un arc-en-ciel.

Il reste incontestable que pour Hovhannès, c’est véritablement, la chair féminine qui communie avec la matière et son environnement pour créer une symphonie visuelle que le conscient voit naître, et que le plus souvent le spectateur ne perçoit que par son ensemble.

Cette substance humaine et cachée, ne sort de sa pudeur que lorsqu’un œil amoureux la parcourt. C’est ici à cette frontière qu’intervient l’Artiste, il le fait par son talent nourri depuis sa sensibilité propre d’homme, exacerbée.

Il faut savoir regarder une toile ou un dessin…. !

Il faut y prêter attention…. !

Alors, mais alors seulement, perdant toute retenue, l’œuvre mise à nu s’offre dans toute sa splendeur.

Dans les toiles de Hovhannès cette remarque est encore plus vraie et devient une affirmation dont chaque toile, chaque sanguine porte la filiation. Oeuvres dont les chairs sont riches de tous ses soins, préalablement nourries de plusieurs décennies de travail, et d’expérience.

Heureuse doit être la Muse qui inspire un tel artiste qui chante son amour, son admiration, avec une telle vigueur que naît le talent, mais qui reste toujours empli d’une calme et douce vision, propre à faire apparaître tous les sortilèges de la Femme.

Le chant d'amour et l'art pictural

Lorsque l’art pictural devient un chant d’amour de l’artiste pour son modèle, chaque touche est une phrase extraite d’un poème qui chante et glorifie le bonheur ou la nostalgie d’un souvenir.

L’être aimé, qu’il soit réel ou issu d’une moisson de souvenirs, portera par les vents du monde, et nourri par le temps, le sceau idéalisé des espoirs indélébiles, et autrefois futurs mais maintenant accomplis.

Pour l’Artiste, pour Hovhannès, la forme d’un cou, s’enchaîne avec celle d’une épaule hospitalière, qu’un sein nourricier, source de toute vie, complétera, riche des désirs, en un buste d’où apparaît l’entame du corps.

L’artiste, parcourt et crée ainsi son idéal féminin, mais également prend le temps de lire en lui l’œuvre qui dévoilera tous ses espoirs, en les enrichissant de ses rêves.

Une toile est, avant tout, la photographie instantanée d’un sujet, certes, mais elle est également vue à travers le prisme de l’artiste et de son état d’âme.

Ainsi Hovhannès dans son œuvre, volontairement ou non, expose-t-il ses sentiments les plus secrets. En cela l’Artiste ici n’échappera pas à la règle, et composera dans la stricte continuité de ses émotions. Rehaussées et réchauffées certes par ses souvenirs doux et rarement douloureux.

Les nuages de fumée dégagés par le subconscient de l’artiste se déchirent, s’estompent et ne sauraient voiler les lumières chancelantes de sa mémoire oublieuse qu’elle est des défauts du monde, mais toujours partie prenante de la vie, de son expérience, là où se reflète son Moi. …

Celui de son état d’âme d’aujourd’hui….

Les vents puissants qui recouvrent les effluves du temps vont s’épaissir modifiant et glorifiant les souvenirs, tout en faisant resurgir et résonner les formes d’une hanche ou les rondeurs d’une poitrine, sources des premières émotions comme des premiers moments de vie, et maintenant devenues porteuses des attentes de toutes les multitudes futures de demain.

L’Artiste, le peintre, qui en est témoin privilégié, souffrira des douleurs de cette immensité, ce gouffre surhumain issu du temps duquel surgit la perfection de la Beauté.

Alors Hovhannès inspiré par l’art, inscrit-il dans cette immortalité le poème des formes et des couleurs qu’il nous fait découvrir, et qui va se graver dans la source des siècles d’où surgissent : une joie, une aspiration et tout ce qui formera les vêtements de la Vie.

C’est cette matière fluide et irréelle qui formera l’âme d’un instant éclairant et se manifestant dans les créations de l’Artiste.

Car si une toile est loin d’être une vision neutre, le peintre qui est animé par son talent en devient le miroir qui renvoie les lumières que son âme vient de capter, pour inscrire dans son huile ces espoirs qui s’envolent en reflets.

Ainsi il vous faut savoir que lorsque vous emportez une œuvre de Hovhannès, au-delà de l’image habillée de formes et de couleurs, au-delà de son poème pictural, c’est pour chaque toile l’œuvre d’une vie qui se concentre et brille dans ces quelques centimètres de toile ou de dessin.

L’élément principal de chacune des créations de Hovhannès, c’est qu’elle prend sa place dans la chaîne du temps, tandis que lui-même nous ouvre sa plus profonde sensibilité, rendu libre de tout paradis artificiel.

Quelle que soit la tempête qui balaye les ans, les huiles de Hovhannès restent toujours porteuses de sa sensibilité d’un instant.

Des paysages au religieux

Cependant si la Femme est la grande inspiratrice, dans laquelle se fondent et se confondent certaines œuvres de Hovhannès, rendues merveilleuses, il ne faut pas négliger pour autant les autres sujets que l’artiste traitera pour parfaire l’évolution de toute son œuvre.

Mais pour mieux saisir son parcours, il nous faut jeter aussi un regard sur le passé de l’Artiste. Par exemple l’année 1983 nous révèlera l’homme mûr et l’aboutissement de ses talents de paysagiste que résume le regard qu’il porte sur le Lac Sévan.

Sa sensibilité de coloriste y trouve sa maturité et se confirme lorsqu’il peint ce paysage contenu en un kaléidoscope essentiellement composé de couleurs et de lumières qui semblent toutes être enfermées dans les replis intimes de prismes au cristal étincelant.

Cette œuvre n’est pas isolée, et se situe dans la mouvance plus générale d’une traduction des choses de la vie dont l’Artiste trouve les motifs visuels dans les profondeurs d’un arc-en-ciel fait de reflets vifs et sonores.

Ce regard un peu particulier reste propre à Hovhannès qui le développera en un éventail de réalisations développées depuis les années 1966.

On remarquera ici combien s’imposent ces fleurs des champs, ainsi qu’une suite de « modèles » dont l’écriture reste aussi étincelante que vive et ira chercher les sources de son inspiration dans une suite de modèles qui seront tous dignes d’être comparés à des vitraux aux accents de cathédrale.

C’est ainsi que dépassant la ferveur toute naturelle de l’homme, l’Artiste sublime les corps pour y découvrir l’élan premier de la création. Mais aussi y inscrire, sculpté dans la profondeur des chairs, les motivations de l’existence ordonnées par un Dieu qui dit : « Allez et multipliez-vous », qui est repris ici par le chant harmonieux de toute la nature.

Mais l’œuvre de Hovhannès se diversifie et s’enrichit des reflets du temps. Ainsi en 1990 apparaît dans ses toiles une évolution autre avec « Mascarade ».

Puis deux tendances vont se révéler, l’une est impressionniste dont deux œuvres particulièrement représentatives sont les témoins : « Les Vagues », et « La femme à l’Océan » .

Pour elles, l’artiste compose comme crée un parfumeur. Tout est léger et se décline sous forme d’allusions. L’œuvre dans son entier devient comme une musique qui prendrait tout son sens en trouvant en elle les éléments de sa propre composition et s’achèverait dans l’âme même de l’artiste, certes, mais aussi dans celle du spectateur, qui de surcroît se trouverait enrichie par l’ambiance générale.

De même si pour faire diversion nous regardons les natures mortes de cette seconde période, il nous faut immédiatement constater la vigueur qui se dégage de chaque composition.

Ecrits avec des tons sourds, certains des paysages d’Hovhannès adopteront une autre conception, aux méthodes tout à fait différentes. Usant des lumières choisies par les peintres hollandais, tout en les rendant encore plus vibrantes et rigoureuses, Hovhannès va les charger de sa puissante personnalité.

Femmes, emblèmes de beauté

Quant aux femmes, elles nous révèlent maintenant ce que nous avions entraperçu plus haut : un monde dans lequel seule la Beauté trouve Grâce. Ici chaque trait, chaque couleur va venir composer un bouquet dédié à chacune des toiles.

Hovhannès, dépassant le modèle pourtant soigneusement choisi, invente des courbes nouvelles, met en exergues les plus harmonieux, qu’il habille ensuite de poèmes de couleurs. Et ce qualificatif de « poème » rarement utilisé pour la peinture, se justifie largement par le rythme et l’harmonie dans lesquels l’artiste inscrit son oeuvre.

Par lui, la danseuse devient fille du vent, tandis que la pianiste prolongera les harmonies de sa mélopée et la complétera pour le regard par un geste aussi gracieux qu’un pas de deux, impliquant tout son corps qui s’affirme avec une telle évidence que l’artiste représente son sujet qui est mouvement, assise devant son piano, sans pour cela trahir son œuvre et sa jonction musicale.

Car il nous faut reconnaître qu’avec Hovhannès, si les poses sont tributaires des gestes, il y intègre également la symphonie des couleurs, symboles des charmes qui en un tout, vont claquer au visage de l’amateur d’art. L’œuvre prenant toute sa force en elle-même devient alors comme un étendard glorieux, chargé des attributs de la victoire.

La toile de Hovhannès peut être considérée comme un drapeau triomphant de l’Art, dont les rayonnements nourrissent l’âme humaine, toujours à la recherche de son paradis terrestre.

Paysages et sentiments

Pour parfaire cette étude il convient de s’attarder sur quelques autres œuvres d’un caractère différent. « Le quartier du Moulin Rouge » nous donne l’occasion non point de découvrir, car cela nous le savions déjà, mais d’approfondir les talents et la maîtrise de coloriste de Hovhannès.

Prenant prétexte du « quartier du Moulin Rouge » et de sa légende de fêtes, Hovhannès déploie une débauche de couleurs qui se côtoient et se chevauchent comme autant d’instruments de musique dans une partition de jazz.

Les personnages perdent de leur personnalité pour se fondre et se glisser dans une atmosphère d’ensemble, telle la fleur qui se noie dans un bouquet, tout en y allument des éclats de couleurs et de lumières. Il faut d’ailleurs franchir le seuil de cette ambiance pour découvrir les caractères de chacun.

Cependant cette maîtrise des couleurs se confirme dans un paysage marin, simple et splendide du petit « Port de Pont Aven ». Si cette toile est bien figurative, elle fait tout simplement oublier le paysage, qui malgré sa splendeur va laisser percer toutes les harmonies d’une œuvre qui se voudrait abstraite, tant est puissante la composition des formes et des couleurs qui saturent le regard.

Deux autres toiles au caractère religieux vont révéler une autre facette du talent de Hovhannès. « La Nativité » va joindre ainsi les charmes d’une harmonie respectueuse qui se reflète dans la perfection des visages tendus vers l’adoration.

Cependant une autre œuvre dramatique aurait pu lui donner une réplique sombre et terriblement grave puisqu’il s’agit de « La Cène » au cours de laquelle Jésus annonce son prochain supplice.

Mais ici l’espérance l’emporte sur le drame et si l’ambiance est grave, l’atmosphère est emplie de charme, de grâce et de douceur. Toile dans laquelle interviennent deux notions contraires, le mouvement des apôtres et la gravité statique du Christ et de certains de ses disciples.

L'autoportrait

Enfin un « Autoportrait » nous permet de découvrir la personnalité que l’auteur voudrait se donner. Cette expérience de l’analyse de soi par le peintre est très intéressante, mais des plus indiscrètes, si l’on dépasse l’œuvre d’art par elle-même, car c’est l’aveu inconscient de lui-même que l’artiste écrit sur sa toile.

Une confession réfléchie mais pour celui qui sait lire entre les lignes, sans fard. Où du moins faut-il contourner, dépasser ce que le peintre voudrait que l’on perçoive de lui et nous livrer par nous-mêmes, mais avec amour, à déceler au-delà de ce qu’il voudrait être, pour atteindre l’intimité de son individualité.

Hovhannès dans cette œuvre, jette donc sur lui un regard sérieux, mais non rigide, ce que nous montre son léger sourire un peu ironique. Il nous laisse percevoir ici son analyse et sa représentation de lui-même dans laquelle il se résume, inclut ses espoirs, mais se préoccupe de la perception que le non averti peut avoir de lui.

D’ailleurs il se voit strict, mais en réalité cette raideur trahit la rigueur qu’il met dans son art. Ce qu’affirme également son regard perçant qui devient le moteur de ses pinceaux restés jusque là en attente, mais prêts à bondir pour saisir la proie d’un sourire, d’une ride qui s’ébauche ou d’un rayon de soleil sur les vastes horizons d’Arménie.

L’ambiguïté de l’homme par rapport à l’artiste, Hovhannès l’inscrit dans son fond de toile nourri de deux reflets différents et qui partagent le tableau en deux parts, dont l’une est chargée de lumière, cette même lumière qui l’enveloppe et le baigne lorsqu’il se regarde lui-même, inversant juste les reflets de l’ombre sur sa joue.

Tandis que le négligé savant qui l’habille ne fait que mettre plus en valeur l’essence plus rigoureuse de lui-même : L’homme, l’homme mûr, bien ancré dans sa peau le fait apparaître fort, sûr de lui, comme un César face aux combats de la vie. Lui se voit et se comprend. A l’autre de le rejoindre dans son royaume.

Loin de se mettre sur un piédestal, Hovhannès s’impose cette rigueur par crainte et par pudeur face à la vie. Certes, Hovhannès est sûr de son art, mais il sait également que le chemin de la réussite et de la gloire est long et difficile, alors que la vie est courte, mais que l’œuvre elle, franchit l’obstacle du temps.

Les Dessins d'Hovhannès.

Si dans ses toiles Hovhannès a bien dépassé la figuration des apparences corporelles, c’est pour laisser une place prépondérante au sensitif qui devient pour lui un langage particulier dont il use au quotidien. Résultat de sa vigilance intérieure, il décrypte la vie, face aux expressions de la nature.

Pour Hovhannès, le regard du quotidien sur la chair se traduit en une matière translucide, fine et délicate comme de la soie, et sur laquelle la vie écrit l’Histoire de chacun de nous. Usant pour cela de couleurs à peine évoquées qui parcourent la chair et y déposent le langage propre de l’Artiste, afin que sa toile le déchiffre pour nous en livrer le sens incrusté dans son art pictural.

A cela répond une technique de vérité qui par son semblant de dépouillement va laisser la place à la seule sensibilité de l’Artiste, nous voulons nommer: Le Dessin

Son intérêt dans l’analyse d’un peintre tel que Hovhannès, tient dans le fait que sa matière, qui pour le non initié semble plus pauvre, entre dans une phase aux nuances bicolores, ce qui oblige l’artiste à rechercher son expression dans le très vaste éventail des ombres et des lumières que traduisent l’infini des nuances des gris. Mais l’artiste évince par-là les artifices tapageurs de la couleur et se prive des éclats d’un arc-en-ciel.

C’est ainsi que, dépassant le trait brut, Hovhannès va donner la parole aux miroitements qui les éclairent et les accompagnent, ouvrant ici le très vaste domaine des gris aux nuances faites de lumières.

Les dessins que l’artiste nous présente sont emplis d’un idéal de beauté, et un des principaux critères de la beauté reste l’harmonie, dont celle que nous révèle Hovhannès qui va depuis l’attention toute particulière qu’il donne dans les mouvements d’une pose, étudiant la continuité des mouvements, jusqu’au choix de son modèle. Un modèle dont il va caresser les contours, les pleins et les déliés pour aboutir aux formes dont il enfante les harmonies avec son crayon. Si son dessin devient un chant d’amour, il n’en interprète pas moins toutes les sources, adaptant chaque corps à ses exigences d’harmonie.

Cependant si ses nus portent en eux l’intérêt et la recherche de la perfection, celle-ci se divise en deux sources qui parfois se parachèvent dans le sentiment de la recherche des canons de la beauté, l’artiste n’en néglige pas pour autant l’expression qu’il peut recueillir à l’état pur et que l’on retrouve dans ses études portant sur le développement du sentiment de perfection.

C’est à dire que Hovhannès, dépassant la ligne, passera la parole aux expressions des visages, lesquels ici prennent un tout autre sens dans ses portraits. Dans une mouvance identique, emportant le geste des membres comme de la pose, le visage prend la parole et nous démontre la valeur de visagiste de Hovhannès.

Si la démarche semble identique, en réalité elle est toute différente, car ce n’est plus le corps seul qui s’exprime et qui trouve son aboutissement et sa vérité dans le regard de l’autre, car Hovhannès va déplacer le matériel, au-delà de l’instant de pose, faisant surgir aussi les traces de toute une vie chargée d’espoirs et de sentiments. Par Hovhannès l’art prend la parole et s’exprime dans un langage muet pour l’oreille, mais riche comme des plus ouverts pour les cœurs. Faisant passer ainsi le spectateur au charme de la musique. On y retrouve les accents passionnés de Chopin ou de Liszt, mais aussi les harmonies fortes et bouleversantes d’un Beethoven, sans négliger pour cela les puissantes sonorités de Wagner. L’artiste passera ainsi du descriptif matériel à la transmission des sentiments, pour atteindre dans certains de ses autres développements, à la spiritualité.

Une démarche toute particulière et forte qui se trouve encore plus renforcée par le sens expressif donné dans nombre de ces portraits.

Mais il ne faut pas perdre de vue que tous ces écrits ne sont que des lumières posées ici et là pour guider et aider le spectateur, l’amateur d’art, à pénétrer encore plus dans chaque œuvre, fruit intime des sens les plus affinés de l’artiste. Alors pour l’amateur d’art, il est impératif, de savoir humer à pleins poumons les joies et les douleurs qui s’exalteront et ouvriront les paradis les plus secrets mais aussi les plus réels de la vie. Il nous faut nous souvenir que lorsque l’Art Pictural devient un chant d’Amour de l’artiste pour son modèle, chaque touche est pour lui une phrase extraite d’un poème qui chante et glorifie le bonheur ou la nostalgie d’un souvenir.

Maintenant que les portes vous sont ouvertes, c’est à vous, lecteur, de savoir découvrir et voir l’œuvre de Hovhannès pour en parachever l’analyse au travers de votre propre sensibilité. Christian Germak

Critique d’Art